La gêne du plaisir

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« En quoi puis-je vous faire plaisir » me demande le serveur du restaurant pour attirer mon attention. Cette phrase qui change de l’ordinaire m’interpelle car elle fait échos aux idées que développe le scientifique américain Robert Lustig dans son dernier livre : « The Hacking of the American Mind ». Il y attire notre attention sur le fait que notre quête frénétique du bonheur est subvertie par une culture de la dépendance et de la dépression.

Pour étayer son propos, Robert Lustig s’appuie sur les neurosciences qui distinguent les notions de plaisir et de bonheur, notamment les voies neuronales différentes du plaisir et du contentement et les influences distinctes de la dopamine et de la sérotonine sur notre organisme.

Ce regard assez peu poétique (quoi que ?) sur nos comportements m’interpelle : d’un côté les entreprises et leurs équipes sont en quête de sens, de bonheur et d’humanité dans leurs relations ; et de l’autre coté la recherche du plaisir est de plus en plus fortement légitimée comme le souligne encore cet article des Echos : « Travail, si on prenait du plaisir » ?

Dans les entreprises, la majorité des systèmes mis en place pour motiver les collaborateurs cultivent plus les mécanismes de plaisir / récompense que ceux du bonheur / contentement. Cela s’observe tant en interne pour favoriser l’engagement des équipes dans une transformation, par exemple, qu’en externe pour augmenter le chiffre d’affaires via la fameuse « expérience client ».

Pourtant le plaisir ne répond pas au désir de l’âme

bien au contraire, le plaisir n’est qu’une sensation éphémère qui engendre un « j’en ai besoin de plus… ». Ainsi, des spirales relationnelles toxiques peuvent se développer et comme le circuit de la récompense répond aussi au besoin de satisfaction immédiate, toute recherche de plaisir peut, à terme, favoriser une forme d’hyperactivité déconnectée du sens profond que nous recherchons tous. Donc …

 

Plus nous cherchons le plaisir, plus nous sommes malheureux

Intéressée par la (re)découverte de ce fonctionnement pourtant très humain… je me suis posée à moi-même les questions suivantes :

  • Est-il possible que trop d’encouragements positifs à mes clients engendre une dépendance et non une véritable transformation ?
  • Est-il possible que mon envie de lancer une multitude de projets génère de la dopamine dans mon cerveau, neurotransmetteur qui ne favorise qu’un soulagement momentané ?
  • Est-il possible que je sois à la recherche du plaisir sucré des « likes » en publiant ces articles plutôt que de la joie équilibrée de l’écriture pour soi-même, du partage et de la transmission ?

En échangeant récemment avec un dirigeant autour de la notion de reconnaissance, il m’a confié :

« Embarquer des équipes via la récompense – et donc le plaisir – est plus facile et plus rapide que de les aider à développer leurs compétences de contentement et de joie » ; c’est leur problème, pas le mien… ».

Fort heureusement, j’ai plus souvent le bonheur (et non pas le plaisir) de constater que beaucoup de  grands dirigeants et managers privilégient les notions de bonheur et de joie à celle de plaisir et cultivent quotidiennement leur quête de sens, d’inspiration et de contentement intérieur…

Et vous ? Optez-vous pour la voie facile de la récompense – plaisir ou êtes-vous prêt à choisir le chemin un peu moins fréquenté du bonheur qui transforme et inspire ceux qui travaillent avec vous ?

Bonne semaine à tous 😉

Sabine

 

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